Rétrospective - Les versions françaises d'Ace Attorney (1ère Partie)

    Ça faisait longtemps, pas vrai ? Eh oui, je suis de retour non pas pour jouer de mauvais tours, mais bien pour continuer l'aventure de ce blog comme il se doit. Et pour changer un peu, et si nous parlions jeu vidéo ? Et oui, avant de devenir un grand amateur de séries d'animations nippones, votre serviteur a été, et est toujours, un gameur invétéré, fans de jeux de plate-formes divers et variés en deux ou trois dimensions, comme Mario, Sonic, Crash Bandicoot, Donkey Kong Country ou encore Rayman, mais aussi, et c'est peut-être plus étonnant, de visual novels et de point'n click. Layton a été ma première entrée en la matière à ce niveau, comme beaucoup de monde, grâce à la Nintendo DS que j'avais pu obtenir en 2009 (merci les parents), je retiens particulièrement le 3ème opus, dont je retiens le final particulièrement émouvant. Néanmoins, si je devais choisir une licence, une seule, qui m'a définitivement initié à ce genre de jeu, et ce qui constituait son plus grand intérêt, ce serait sans aucun doute Ace Attorney. Ai-je vraiment besoin de présenter cette licence de Capcom, véritable phénomène de l'internet au succès certes, encore assez modeste de par chez nous, mais qui revient souvent dans les discussions dès que l'on parle du genre du visual novel. Vous avez certainement déjà dû croiser des memes autours de la licence, entre les joutes verbales des protagonistes qui se balancent des "objections" à tout bout de champ, les nombreux fanarts autour de la relation entre le protagoniste Phoenix Wright, et son adversaire de toujours, Miles Edgeworth (Benjamin Hunter dans la version française), et d'autres choses. Mais pourquoi se concentrer sur cette série de jeux vidéo sur ce blog qui, d'ordinaire, s'intéresse à la traduction ? Car il se trouve que la localisation de ces jeux, que ce soit en version anglaise ou, ce qui nous intéresse ici, la version française, est source de nombreuses plaisanteries sur les réseaux sociaux, entres les noms localisés, avec les jeux de mots qui vont avec, la localisation des lieux et des choix de traductions souvent assez judicieux, bien que parfois un brin ridicule, en raison de la présence d'éléments typiquement japonais dans le jeu qui peuvent entrer en contradiction avec les choix de localisation qui ont été fait au fil des années par les différents traducteurs qui se sont relayés sur la franchise. Et c'est l'occasion également pour moi de fêter la sortie prochaine d'Apollo Justice Trilogy, qui proposera le 5ème et le 6ème opus de la licence pour la première fois en version française, avec un doublage de prévu d'ailleurs.

    Ainsi, je vous propose dans la première partie de cette rétrospective de s'intéresser à la traduction française des jeux vidéos Ace Attorney, de Phoenix Wright à Trials and Tribulations, en passant par Justice For All. Je parlerais également ici de la fantraduction du premier jeu Ace Attorney Investigation faite par l'équipe de AAI-FR, car bien que non officielle, elle est souvent partagé un peu partout sur internet, si bien que beaucoup de joueurs francophones ont pu jouer à ce jeu avec cette version, avec ces qualités et ses défauts, nous y reviendrons. Ensuite, pour ce qui est du spin-off avec Professeur Layton, sortie en 2014 chez nous, qui a bénéficié de cinématiques doublés en français en plus d'une traduction des dialogues, ainsi que des produits dérivés comme les mangas parus chez Kurokawa et la série animée chez Crunchyroll, je me réserve le soin d'en parler dans une seconde partie, tout comme pour Apollo Justice Ace Attorney que j'évoquerais logiquement en dernier, à l'occasion de la sortie de Apollo Justice Trilogy. Tout cela étant dit, rendez-vous dès à présent au tribunal, sans aucune objection !

Note d'UniversJB du futur : J'ai utilisé des captures d'écrans issues de Ace Attorney Trilogy, une compilation des 3 premiers jeu, restauré en HD, qui est disponible depuis 2019 sur Windows, PS4, Xbox One, IOS, Android et Switch. Mis à part la version GBA sortie uniquement au Japon, et la version 3DS qui ne possède pas de version française, l'ensemble des remarques sur la traduction et les incrustations françaises s'appliquent, excepté pour le second opus Justice For All, sur lequel je reviens plus en détail dans le paragraphe qui lui est dédié.

I. Phoenix Wright Ace Attorney, une très bonne traduction ?

    Pour comprendre un peu les coulisses derrière cette traduction, il nous faut retourner en 2006. Cela fait plus d'un an déjà que la Nintendo DS est vendu en Europe et partout dans le monde, avec des chiffres de ventes excellents. Et cela fait aussi six mois et cinq mois respectivement que la réédition sur Nintendo DS de ce qui est appelé au Japon Gyakuten Saiban est arrivé dans l'archipel nippon, mais également en Amérique du Nord où c'était la première fois que la série était proposé, avec de plutôt bonnes ventes. Ainsi, logiquement, l'Europe, qui n'avait pas entendu non plus parler de cette série auparavant reçu également le même traitement, avec plusieurs mois de retard. Probablement que ce retard de plusieurs mois a permis aux différentes traductions européennes de se faire, notamment la version française. Et c'est là que cela devient intéressant, car à ma connaissance, il s'agit de l'un des premiers jeux s'apparentant au visual novel a obtenir une traduction dans nos contrées. La raison derrière cette situation étant la quasi absence jusqu'ici de sorties en Europe, due à l'absence d'intérêt pour ce genre de jeux de la part du public, mais aussi et surtout à la quantité importante de dialogues que ces derniers contiennent, qui font que les coûts de traductions et de localisation sont beaucoup plus importants que sur d'autres types de jeux vidéos, surtout si il faut le faire en plusieurs langues différentes pour ne léser personne. Ainsi, la démarche de Capcom à ce moment-là est sans aucun doute très audacieuse, le public français n'étant pas forcément acquis dès le départ. Néanmoins, on sent bien à ce moment-là que cela n'était pas leur priorité, comme le prouve le fait que l'ensemble de ces traductions occidentales du jeu ont été sous-traités chez un prestataire externe, malgré que Capcom possédait (et possède encore aujourd'hui) un département interne de traduction, sur lequel nous reviendrons plus tard.

    Ainsi, la traduction française de ce jeu a été produite par Capcom chez Bowne Global Solutions, qui se sont occupés de la traduction anglaise, italienne, espagnole et allemande du jeu. BGS, c'est une société de traduction et de localisation basé sur New York, et qui possèdent différents offices à travers le monde, dont notamment un situé à Paris. C'est celui-ci qui est à l'origine de la version française. D'après les crédits du jeu, la traduction a été confiée à une équipe de 3 personnes : Ann-Dee Lamour, Tapio Pyysalo et Jerome Selinger. Eric Bailey, Brandon Gay, Kaori Funakoshi, Yuli Kim et Yoko Muto sont également crédités mais je suspecte fortement qu'ils ont été simplement en contact avec les trois précédents, les 5 étant crédités également dans la cartouche anglaise pour la traduction anglophone. Probablement qu'ils le sont aussi car certains de leurs choix de traduction et localisation ont été repris par l'équipe française. Car effectivement, le trio d'adaptateurs en charge du jeu a décidé de localiser les évènements du jeu en France, à Paris, à l'image de la version anglaise qui a pris la décision de la localiser en Californie, à Los Angeles. A ce moment-là, l'idée même que les jeux suivants soient traduits n'étaient pas certain et les traducteurs ne pouvaient pas savoir que des éléments typiquement japonais seraient davantage présents dans les jeux ultérieurs. Cela étant, dans la mesure où les différentes images à l'écran sur Nintendo DS était également traduites et localisés, ce choix à l'époque tenait parfaitement la route. Mais que vaut la traduction me direz-vous ?

    Eh bien, elle tient parfaitement la route, encore aujourd'hui. En partant de ce principe de localiser le jeu en France, la traduction française a fait le choix de restituer l'esprit du jeu plutôt que sa forme concrète. Certes, quelques emprunts à la version anglaise sont de la partie, notamment sur le nom des personnages principaux où le jeu de mot est suffisamment évident, mais la grande majorité du jeu est localisé, avec des noms à consonance française ou avec des jeux de mots francophones tout simplement hilarants (Eva Cozésouci, Flavie Eichouette, Franck Khavu par exemple), des lieux traduits en français, en grande majorité de la version anglaise comme avec le Gourd Lake qui devient le Lac Gourd, le tout, avec des incrustations en français dans les différents espaces en 2D qu'offre le jeu qui permet une meilleure immersion dans le jeu. Quant aux dialogues en eux-mêmes, ils sont bien écrits, vivants, dynamiques, respectant la personnalité des différents personnages que l'on rencontre, et ce, avec une cohérence totale vis-à-vis des choix de localisation qui ont été faits, ce qui est à saluer.

    En clair, la version française de Phoenix Wright: Ace Attorney, c'est un grand oui, surtout vis-à-vis de l'époque où celle-ci a été faite. Les équipes de Capcom et de Bowne Global Solutions se sont appliqués pour proposer une expérience de qualité, dans un français irréprochable, avec pas mal de bonnes idées, aux quelques joueurs qui achetaient la cartouche. Les choix de localisations sont judicieux, pertinent, et en cohérence avec l'ambiance du jeu d'origine. Si le jeu a aussi bonne réputation chez nous, c'est grâce à la qualité de la traduction qui a permis au public francophone, qu'il ait acheté le jeu ou non (coucou la R4) de découvrir la licence dans des bonnes licences. Bien que le succès du jeu en Europe fût très limité (50 000 ventes seulement), le succès fut jugé suffisant par Capcom pour faire traduire en français les opus suivants. Cependant, une décision va faire tout basculer, pour le meilleur comme pour le pire !

II. Phoenix Wright Ace Attorney - Justice for All, une version française controversée :

    Mais revenons-en une nouvelle fois au contexte. Nous sommes cette fois-ci en mars 2007, un an après la sortie du premier jeu en Europe et quelques mois après la sortie en Amérique du Nord, et au Japon. Les ventes sont faibles, notamment au Japon où il s'agissait d'une réédition sans réel ajout supplémentaire. En effet, le premier jeu avait eu droit à un dernier chapitre supplémentaire créer pour l'occasion, baptisée chez nous Phoenix renaît de ces cendres, qui a pu servir à la fois de prototype pour le prochain nouveau jeu de la franchise, Apollo Justice, en exploitant de nouvelles mécaniques propres à la DS, tout en servant de bonus sympathique à destination du public japonais. On peut aussi ajouter comme autre raison à ce manque de succès le fait que sur les trois premiers jeux Ace Attorney, le second est malheureusement le moins apprécié, avec les affaires moins prenantes, notamment Volte-face Circus, et ce, malgré une excellente dernière affaire qui a marqué les esprits de beaucoup de joueurs. Néanmoins, malgré ce relatif échec, Capcom était toujours décidé, à ce moment-là, à soutenir la licence chez nous, en pensant certainement à des lendemains meilleurs. Certes, le premier jeu n'a pas fait des ventes exceptionnelles en Europe et notamment en France mais, malgré tout, il avait su attiser la curiosité de nombreuses personnes, aussi bien des joueurs que la presse vidéoludique, qui a consacré différents articles autour du premier jeu et de ses qualités. Cela étant, une décision sera vite prise par l'entreprise à l'échelle mondiale afin de faire des économies sur la traduction de ce nouveau jeu. Et cette décision, c'est tout simplement de reprendre en main l'ensemble des traductions occidentales des jeux. Ainsi, à partir de Justice for All, l'entreprise cessera de travailler avec Bowne Global Solutions, pour se mettre à traduire ce second jeu en interne, au Japon, à Osaka, y compris pour la version française, pour le meilleur, la version anglaise restant globalement à la hauteur de celle du précédent jeu, mais aussi également pour le pire, comme c'est le cas ici de la traduction française de Justice for All. Car en effet, il y a pas mal de choses à redire sur la traduction de ce jeu, qui ont été maintes et maintes fois dites, déjà à l'époque sur certains forums, comme en témoigne par exemple ce post de 2007 sur jeuxvideo.com mais aussi encore aujourd'hui. Pourtant, paradoxalement, ce n'est pas tant la traduction et la localisation en elle-même qui est à reprocher à mon avis.

    Car en effet, la traduction de ce jeu a été, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, mis entres des mains compétentes, celle de Ludovic Nomura. Ce dernier n'est malheureusement crédité que dans la cartouche française d'Apollo Justice, mais grâce à son LinkedIn et à une petite enquête de votre serviteur, j'ai pu apprendre que c'était également lui qui avait traduit ce jeu, ainsi que le suivant. Titulaire d'un doctorat en traduction en anglais et japonais, il s'agissait à ce moment-là d'un des premiers jeux qu'il a pu traduire en tant qu'employé à la division localisation chez Capcom, qu'il a quitté par la suite en 2013. Globalement, sa traduction est dans la lignée des travaux de l'équipe de chez BGS, avec des francisations très bien trouvés, comme par exemple Alonzo Bistro alias Bernick de Killer, bien qu'il ait eu l'obligation de reprendre une partie du lexique de la version anglaise comme c'était déjà le cas avec les traducteurs précédents. Non, son talent pour traduire un tel jeu était et reste à mon avis indéniable, et il le montre très bien avec ce jeu, mais également avec Trials and Tribulations dont nous parlerons plus tard. Non, le problème ici semble être le fait qu'il a dû manquer de de temps pour traduire ce jeu, ce qui a conduit a une absence totale de relecture et de contrôle qualité côté Capcom afin de vérifier si tout le travail effectué fonctionnait parfaitement. Ainsi, dans la version du jeu sortie sur Nintendo DS, on peut y retrouver des erreurs d'orthographes flagrantes, des fautes de conjugaison, des fautes de frappes, ceux-là mêmes qui ont donnée une telle réputation à la traduction de ce jeu, tout comme à celle du jeu Okami d'ailleurs à la même époque, qui témoigne du manque de sérieux qu'avait à ce moment-là Capcom vis-à-vis de ses traductions, ce qui montre bien que la situation ne concernait pas que la seule licence Ace Attorney. Quoiqu'il en soit, au vu des éléments à ma disposition, il est clair et net que si cette traduction française est très désagréable à jouer dans sa version d'origine, le traducteur et adaptateur n'est clairement pas le responsable de cette situation, bien au contraire. Cependant, faut-il vraiment fuir la traduction française de ce jeu ? Oui.... et non !

En effet, il y a un gros "mais" à apporter sur ce constat négatif de cette traduction, et cela concerne la situation actuellement. Pourquoi ? Parce qu'au fil des rééditions, sur Wiiware et ensuite sur PC, PS4 et Switch avec la compilation Trilogy, certaines corrections plus ou moins importantes ont été appliqués à cette traduction imparfaite. Et bien que de nombreuses fautes aient encore échappées à l’œil attentif des relecteurs qui se sont succédé, la traduction de Justice for All est vidé désormais de ses erreurs les plus grossières, celles qui ont été souvent partagés sur les réseaux pour montrer la mauvaise traduction du jeu, si bien qu'il est désormais très difficile aujourd'hui de voir qu'est-ce qui a pu poser problème dans la traduction de ce jeu à l'époque sur DS, à moins de jeter vraiment un coup d’œil attentif à l'ensemble des dialogues du jeu. J'avoue que c'est, à ma connaissance assez faiblarde de gamer, un des rares cas où une boîte de jeu vidéo est revenu sur ses travaux précédents de traductions pour l'améliorer, la solution bête de la mise à disposition de la traduction sans modification, de la retraduction complète ou tout simplement de l'absence de l'ancienne version française (coucou Kingdom Hearts) étant souvent privilégié pour les remasters d'anciens jeux par les éditeurs, souvent pour des raisons économiques ou de simplicité. Pour le coup, je ne peux que saluer Capcom à ce niveau, et notamment Ugo Ricard et Francis Ishii, qui ont, respectivement, traduit les menus de la compilation Trilogy pour le premier et refait les incrustations françaises d'époque à l'identique pour le second, en plus d'avoir apparemment tous les deux corrigé partiellement les fautes de la traduction initial de ce second jeu. Ainsi, la version Trilogy (excepté la version 3DS qui n'a pas la traduction française) est évidemment celle qu'il faut privilégier à l'heure actuelle pour ce jeu si vous souhaitez profiter de la traduction corrigée. Et pour ceux qui ont toujours leur DS ou qui joue via un émulateur, soyez prévenus. 

Voilà donc pour cette traduction française de Ace Attorney - Justice for All. Malgré la bonne volonté indéniable de Ludovic Nomura, qui a voulu proposer une traduction sérieuse, et dans la continuité du travail fait sur le premier opus, l'absence de relecture et de contrôle qualité aura nuit plus que tout à sa traduction, malgré les nombreuses corrections apportées par la suite lors des rééditions du jeu. Celui-ci est sans aucun doute la meilleure preuve des mauvaises conditions et du peu de reconnaissance qu'avait Capcom à ce moment-là vis-à-vis de ses traducteurs francophones. Et les joueurs ne s'y sont pas trompés, les critiques sur la traduction revenant sans cesse dans les nombreux commentaires et avis d'achats à l'époque, dissuadant certains d'acheter la cartouche DS, surtout dans une période où celle-ci se faisait pirater en masse à cause de la R4 comme je le disais précédemment. Le résultat : 40 000 ventes en Europe, un nouvel échec ! Et cela n'est pas près de s'arranger avec le jeu suivant !

III. Ace Attorney - Trials and Tribulations : Le chant du cygne de la VF ?

    On arrive sans aucun doute là où cela fait mal à tous les fans de la franchise, moi le premier. Ce jeu, c'est sans aucun doute l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur opus de la licence. Une intrigue qui se suit de la 1ère à la dernière affaire du jeu accompagné de plusieurs affaires indépendantes très sympathiques, des phases d'enquêtes beaucoup mieux rythmé que les jeux précédents et des confrontations au tribunal toujours plus intense, voilà la recette qui a fait de ce jeu l'un des préférés des fans. Cependant, pour nous, public francophone, ce jeu, c'est aussi un chant du signe à la traduction française de la série, car il s'agit du dernier jeu de la licence à être sorti en version française le 3 octobre 2008 en Europe, après la décision complètement aberrante de Capcom d'avoir sorti juste avant le 4ème opus de la franchise, Apollo Justice, en mai de cette même année. C'est pour moi et pour beaucoup de monde encore aujourd'hui un mystère sur pourquoi ils ont fait ça, sachant que ce n'est arrivé ni en Amérique du Nord, ni au Japon, et que ça a embrouillé encore plus les joueurs, sachant que les cartouches du jeu sont vite devenues difficile à trouver. Les ventes furent ainsi encore plus catastrophiques, avec 30 000 ventes à peine, conduisant Capcom à arrêter les frais ici pour ce qui est de la traduction française. Ce sera également le cas pour les Allemands, eux aussi, qui n'auront plus de traduction officielle d'un nouveau jeu de la licence à se mettre sous la dent, à l'exception du crossover avec Professeur Layton. Quand aux Espagnols et aux Italiens, ce sera bien pire, car plus jamais la licence ne sera traduite dans leur langue à l'exception du crossover, et ce, réédition comprise. Mais me direz-vous, que vaut la traduction de ce jeu dans notre langue ? 

    Eh bien, comme pour Justice for All, la traduction est toujours assuré en interne chez Capcom par Ludovic Nomura. Et sa traduction est globalement dans la lignée de ce qu'il a fait sur le jeu précédent, avec toujours une francisation des noms (Dahlia Plantule, Régis Florimet, Patrick Hauméot) toujours aussi judicieuse qu'auparavant et des reprises de la version anglaise (Sœur Bikini, Elise Deauxnim) dans la lignée de ce qui avait été fait précédemment, sachant que les noms anglais repris ont des jeux de mots qui restent suffisamment compréhensible en français. Cela étant, contrairement au précédent jeu, la relecture et le contrôle qualité a été manifestement bel et bien effectué, si bien que cette fois-ci, le jeu est parfaitement jouable du début à la fin sans soucis de français à noter, contrairement au précédent volet. J'ai beau avoir retourné la cartouche dans tous les sens, je n'ai pas trouvé de fautes d'orthographes, de fautes de frappes grossières ou même de conjugaison qui pouvaient nuire à mon expérience contrairement à Justice for All qui en était garnie. En clair, quelle que soit la version à laquelle vous jouerez, vous pourrez profiter de la dernière aventure de Phoenix Wright et Maya Fey jusqu'à Ace Attorney 6 dans de très bonnes conditions. Ainsi, on peut dire que cette traduction de Ace Attorney 3 est un chant du signe pour la licence en ce qui concerne sa version française, la meilleure traduction qui a pu être faite à ce jour, du moins, jusqu'à ce que Apollo Justice Trilogy pointe son nez, mais nous verrons cela au moment de sa sortie.

    Cela étant, il y a un dernier point dont j'aimerais parler, et que je n'ai pas évoqué précédemment en ce qui concerne ces jeux-là, et ce point, ce sont les voix françaises. En effet, ces dernières ne sont crédités que dans ce dernier opus, ce qui fait que cela tombe à pic pour en parler. Certes, il ne s'agit que de bulles de dialogues, un petit "objection !" par ci, un petit "un instant" par là, ou encore un "prends ça" juste ici, mais c'est intéressant d'en parler, et ce, d'autant plus quand on sait que des membres de la traduction anglophone y ont participé, nous reviendrons. Ainsi, Phoenix Wright est donc doublé dans ces 3 jeux par un certain J.C Moine. On n'a absolument aucune information sur lui, excepté le fait qu'il a doublé ce personnage de la version française. Est-ce un alias pour un membre de l'équipe de chez Bowne Global Solutions ? Le mystère reste entier. Pourquoi ? Car à l'exception des voix françaises de Mia et Godot, que l'on entend seulement dans le 3ème jeu, les autres comédiens sont aussi... des traducteurs anglophones du jeu ou de simples employés de Capcom. Que ce soit Seon King sur Benjamin Hunter (en VF et VA), qui participait au marketing, David Crislip sur Victor Boulay (en VA et VF également) qui était assistant producteur et traducteur à l'époque, sans oublier Brandon Gay sur Manfred von Karma et Janet Hsu sur Franziska von Karma qui doublent ces personnages, eux aussi, pour la VA et la VF, qui sont tout simplement les traducteurs anglophones de la franchise. Mais du coup, qui sont ces Jean-Armand Bougrelle, et autres Céline Arjalies ? Au vu de mon enquête, il semblerait que ce soient tous les deux des expatriés français vivant au Japon ou ayant séjourné au Japon à l'époque, ce qui explique probablement leur participation à cet enregistrement. Et malheureusement, à ce stade de mon enquête, c'est malheureusement tout le peu d'information que je suis arrivé à savoir.

    Mais du coup, me direz-vous, et cette traduction de Ace Attorney 3 ? Eh bien, il s'agit, à ce jour, de la meilleure traduction française de Ace Attorney. Ludovic Nomura et les responsables de chez Capcom ont su corriger tout ce qui n'allait pas dans sa traduction du précédent jeu pour rendre cette traduction du dernier opus mémorable, ce qui n'est pas pour me déplaire. Les jeux de mots sont judicieux, les choix de traductions pertinents et cohérent avec tout ce qui a été construit auparavant dans les précédents volets de la franchise. Il s'agit, pour moi, du chant de cygne que méritait la franchise à ce moment-là, la meilleure version possible de la VF avec les moyens et le temps (très faible) dont Ludovic Nomura disposait. Malheureusement, comme je le disais, les ventes furent encore plus basses en Europe que sur les volets précédents, ce qui sonna comme un désaveu total de l'exportation de cette licence en dehors du Japon. Pour Capcom, la décision fut claire et net. Le jeu suivant, Ace Attorney Investigations, qui suit les aventures de l'adversaire de Phoenix Wright au tribunal, Benjamin Hunter, sortit en version anglaise uniquement, que ce soit en Amérique du Nord comme en Europe. Les critiques en France furent acerbes sur ce choix de Capcom de ne pas traduire le titre, si bien qu'une dizaine d'années plus tard, une petite équipe de fans de la licence décida de réparer cet affront.

IV. Et la fantraduction de Ace Attorney Investigations ?

    Car oui, en un 3 mai 2017, un petit groupe de fantraduction répondant au doux nom de AAI-FR a sorti un fichier de patch qui permettait aux joueurs francophones de pouvoir jouer au jeu dans la langue de Molière, par le biais d'une modification de la rom. Cela faisant déjà 7 ans, depuis 2010 et la sortie du jeu en version anglaise partout dans le monde, sous l’initiative au départ de quelques membres venant de divers forums Ace Attorney, que ces derniers se sont réunis pour faire une traduction française du jeu. Sept ans, c'est très long, et entres les démotivations de certains membres, les changements de sites, et de sombres histoires de sabotages par un des membres de l'équipe, l'avancée de la traduction fut assez longue. Cela étant dit, afin de montrer patte blanche à la communauté francophone du jeu, l'équipe a régulièrement communiqué, par la voix notamment de leur graphiste nombreuses versions "beta" de leur version traduite, à chaque nouvelle affaire, avec les incrustations françaises traduites. On peut noter par ailleurs à ce sujet que l'équipe veut pouvoir, à terme, proposer l'ensemble des jeux de la série qui n'ont pas été traduit officiellement, si bien qu'au moment où cet article sort, il est toujours prévu que l'équipe sorte le patch français du second jeu AAI, mais aussi pour AA5 et AA6, auquel s'est ajouté depuis The Great Ace Attorney Chronicles, qui est à l'heure actuelle, le seul avec Ace Attorney 5 dont les patchs bêtas ont été proposés en public par l'équipe sur leur site officielle et sur les réseaux sociaux. Mais ici, sachant que cela n'est pas achevé et peut être sujet à d'importantes évolutions d'ici à quelques années, le temps que tout cela soit finalisé, je me concentrerais sur le premier jeu Ace Attorney Investigations, le seul dont le patch français est actuellement complètement finalisé.

    Mais du coup, me direz-vous, que vaut cette traduction amateure ? Eh bien, pour le coup, Choky et MoonLight Dreamer, les deux personnes créditées, nous propose une traduction assez scrupuleuse aux choix effectué sur les jeux précédents. Pas de fantaisies de traduction, à l'exception des noms davantage francisés qu'auparavant, là où ils auraient été probablement laissés en anglais dans une traduction officielle. Globalement, celle-ci est relativement respectueuse à la fois de la version anglaise qui lui a servi de base, mais aussi à certains éléments de la version japonaise, grâce aux relectures effectuées sur le jeu. On sent que le temps de développement de 7 ans a été mis entièrement à profit pour fignoler au mieux tout ce dont il était possible d'améliorer. Tout comme en ce qui concerne les incrustations en français où MoonLight Dreamer a fait du très bon travail, dans la même veine que ceux des jeux précédents. Un travail de fidélité qui concerne également la voix de Hunter, où les "objections" et autres "un instant" en français prononcés par Seon King dans la trilogie sont repris ici, avec de nouvelles répliques doublées par un certain Yex. Justement, c'est peut-être sur les voix que cette fantraduction pêche pas mal par rapport aux versions officielles des précédents jeux, et qu'on sent que les enregistrements de ceux-ci ne se sont pas passés dans les meilleures conditions possibles. Si Yex se débrouille relativement bien sur Hunter, en offrant quelque chose de comparable à ce qu'a fait Seon King, les autres ne sont vraiment pas bons, soit en raison d'une prestation trop maladroite, soit parce que leur microphone n'est pas bon et sature trop, soit un peu des deux. C'est malheureusement le gros point noir qui vous fera tiquer à chaque fois qu'un personnage important voudra agir, et c'est bien dommage.

    Tout ça pour dire que si cette fantraduction s'avère très sympathique, et dans la moyenne haute de ce que l'on peut rencontrer avec ce genre d'initiatives venant de fans, le résultat est globalement bon, malgré certaines maladresses évidentes, notamment au niveau des voix, qui témoigne des limites de ce genre d'initiatives, qui ne pourront jamais palier totalement une traduction officielle, en raison du budget différent certes, mais aussi et surtout des moyens qui vont avec, que seul des entreprises assez stables, et avec une capacité suffisante d'investissement peuvent se permettre de faire, pour le bien des licences.

Conclusion

    Voilà pour ce premier tour de piste concernant les traductions d'Ace Attorney en jeux vidéos. Malheureusement, ni Ann-Dee Lamour, ni Ludovic Nomura, les seuls traducteurs dont j'étais en capacité de contacter pour cette rétrospective, n'ont souhaité revenir sur leur travail qu'ils ont effectué à l'époque sur la franchise, ce qui est regrettable, tant ils auraient eu certainement beaucoup d'anecdotes à raconter sur la production de ces traductions. Bien entendu, comme promis, dans la seconde partie, qui arrivera d'ici quelques temps, nous analyserons la traduction du jeu Professeur Layton VS Phoenix Wright, ainsi que les produits dérivés qui sont sorties chez nous, à savoir le manga et l'animé.

    Quant à moi, je vous attends d'ici quelques jours pour la critique du film Détective Conan - Le Sous-marin Noir, que je réalise dans le cadre d'un partenariat avec le site AnimeHD. Vous pouvez d'or et déjà y trouver sur son site l'article sur les annonces de Blu-ray à Japan Expo fait en collaboration avec l'ami Prince7, que je salue ici. Une interview assez spéciale que j'ai pu réaliser à Japan Expo sera également à retrouver ici prochainement, je n'en dis pas plus. Bonne journée ou bonne soirée, tout dépend de l'heure où vous lisez cette rétrospective, et à très bientôt sur ce blog !

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